Jonathan Stroud est un auteur britannique né en 1970, surtout connu pour ses sagas à succès comme Bartiméus ou Lockwood & Co., qui mêlent habilement humour, aventure et réflexion morale. Les Héros de la Vallée, publié en 2008, se distingue dans sa bibliographie : c’est l’un de ses rares romans “one-shot” à avoir été traduit en français, une curiosité dans l’œuvre d’un écrivain plutôt habitué aux récits en série.
Le roman nous entraîne dans un monde clos et austère, celui des Vallées, où chaque maisonnée vit selon les légendes de son ancêtre fondateur. Halli, jeune garçon issu de la Maison de Svein, grandit bercé par les récits héroïques de son aïeul, qui aurait repoussé des monstres et instauré la paix. Mais l’adolescent, vif et rebelle, découvre vite que ces histoires ne sont pas aussi glorieuses qu’on le lui a raconté. Une suite d’événements tragiques l’amène à remettre en question la vérité des légendes et à entreprendre un voyage initiatique, entre quête d’honneur et affirmation de soi.
En ce qui me concerne, j'ai trouvé que la mise en place de l’intrigue se révèle particulièrement longue, et l’on peine à s’immerger pleinement dans le récit avant plusieurs chapitres. La narration à la troisième personne, adoptant une tonalité un peu distante propre aux récits épiques et aux contes, accentue cette impression de froideur. Le lecteur observe plus qu’il ne vit les événements, ce qui renforce la lenteur du démarrage. De plus, Halli, le protagoniste, s’avère souvent agaçant, impulsif et borné, rendant difficile l’identification pendant une grande partie du roman.
Malgré ces réserves, certaines trouvailles narratives sont remarquables. Chaque chapitre s’ouvre sur un extrait de légende consacrée à Svein, le fondateur de la Maison d’Halli, renforçant la dimension mythique du récit. Ces fragments, s'ils servent à souligner l'impregnation de Halli au folklore familial, sont par la suite confrontés aux versions d’autres maisons, révélant comment chaque clan réécrit le passé pour glorifier son propre lignage — un procédé qui délivre un message fort sur la subjectivité de la mémoire et la prudence face aux récits rapportés.
L’évolution d’Halli, bien que lente, s’avère convaincante : le jeune garçon têtu devient un véritable stratège et chef de guerre, mûri par l’expérience. À ses côtés, Aud, personnage féminin résolument moderne, incarne la quête de liberté et d’émancipation dans un monde où les rôles sont figés. Sa présence dynamise le récit et pousse Halli à se dépasser. Ensemble, ils interrogent des thèmes profonds : le sens de la revanche, la notion d’honneur, et la fidélité aux anciens — des questions intemporelles qui donnent une réelle épaisseur au roman.
En somme, avec Les Héros de la Vallée, Jonathan Stroud prouve une fois de plus son talent de créateur d’univers : les paysages, les coutumes et les légendes des Vallées sont d’une richesse rare. Cependant, il montre aussi qu’il est plus à l’aise dans la construction longue d’une saga que dans un roman isolé. L’intrigue met trop de temps à s’installer, avant de se conclure de manière trop précipitée, ce qui est dommage car la dernière partie est sans doute la plus réussie.
Un roman en demi-teinte, donc : ambitieux et porteur de belles réflexions, mais freiné par un rythme inégal et une narration parfois trop distante.
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